« Zeus nous a fait un dur destin afin que nous soyons plus tard enchantés par les hommes à venir »

Homère, Iliade, VI, 357-358

 

Forme incontestable d’interpellation de notre vécu, les mythes et les croyances sont des tentatives de compréhension du monde, passé et contemporain, dans ce qu’il a de plus insondable. Et donner des chants, autrement dit des poèmes, cela signifie transcender le malheur en œuvre d’art, y compris aujourd’hui. Ce fut effectivement une constante de l’imaginaire occidental, dans ses grands drames qui font les grandes sagas. Faire retour à ce qui nous appartient en propre, la mythologie, cette source indiscutable de notre civilisation, est sans doute un moyen pour nous, Européens, d’échapper aux cruels conflits des pensées et des actes. C’est ce que nous proposons cette saison au théâtre et au cinéma, dans des moments salvateurs et uniques.

Le Grec Pantelis Dentakis réussit cette alchimie à merveille (dans le sens premier du terme), lui qui revisite la noirceur d’Ovide dans sa très lumineuse Petite dans la forêt profonde. L’action, la connaissance, la beauté, la sagesse… tout est aussi déjà présent dans Iliade et Odyssée, servons-nous en ! Pauline Bayle nous en donne une relecture magistrale, dépouillée, vraie, où notre temps a finalement toute sa place, tandis que Flavia Lorenzi préfère l’ironie mordante et très contemporaine des femmes de héros. L’héroïsme est justement toujours incarné par le cirque (A Simple Space par les Australiens de la compagnie Gravity & Other Myths, ça ne s’invente pas), le mystère insondable de la mort par la danse (Requiem de Béatrice Massin ou Tumulus de François Chaignaud), notre bien trop fragile démocratie par l’éblouissante performance Contes Immoraux – Partie 1 : Maison mère de Phia Ménard, l’union perdue du sacré, de la nature et des hommes avec le festival Retours vers le futur, Faun de Sidi Larbi Cherkaoui ou bien encore Enfants sauvages de Cédric Orain…

Mais la poésie et le théâtre inventent également de nouveaux mythes, pour mieux répondre aux enjeux et questions de notre temps, et nous réparer. Comme celui, étonnant, du football avec Stadium, de Mohamed El Khatib, qui met en scène une foi véritable autour de ce sport adulé, comme celui de l’éternel amour, incarné depuis deux siècles par le romantisme allemand (Liebeslieder par le choeur Aedes), celui de la naissance de Jésus contée en creux par les facétieux camarades d’Opus (La Crèche à moteur), celui de la conquête des cieux qui nous limitent encore (Star show), ou, un des tout derniers, celui du faux « roman national » (Mes ancêtres les gaulois de Nicolas Bonneau)… Les cérémonies modernes, pendant de ces croyances, ne sont pas absentes avec l’extraordinaire Any Attempt... tout comme les sagas du XIXe siècle avec celle des habitants de la petite ville québécoise de Caxton inventée avec brio au fil de ses spectacles par Fred Pellerin.

Retrouvons une mythologie commune, et retrouvons-nous ardemment tout au long de cette belle saison, pensée pour vous et votre plaisir, et surtout celui de vivre une émotion collective. Juste pour que Homère ait raison…

Jérôme Montchal, directeur et toute l’équipe d’Équinoxe – Scène nationale de Châteauroux