Heiner Müller – Jacques Vincey

Quartett est une réécriture des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, texte mythique du siècle des Lumières, dans lequel la marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont, libertins maléfiques, se jouent de la société pudibonde dans laquelle ils vivent.

Dans un salon d’avant la Révolution française, ou un bunker d’après la Troisième guerre mondiale, Merteuil et Valmont jouent ici à rejouer leur relation passionnelle et les intrigues érotiques qui ont conduit au sacrifice de Cécile Volanges et de la Présidente
de Tourvel. Avec ses mots à lui, Heiner Müller met à nu la mortelle froideur cachée sous l’apparent libertinage.

La marquise et le vicomte vieillis soliloquent sans se regarder, dans une lumière de fin du monde. Le duo devient quatuor pour ressusciter leurs « désirs en décomposition ».

Une autopsie du désir où l’humain est disséqué froidement afin de démêler le sexe, le pouvoir et la mort. Un carrousel de quatre personnages pour deux magnifiques interprètes se livrant à un vertigineux jeu de massacre. Pour s’y brûler une dernière fois, avant de disparaître.

Presse

« Quartett » de Jacques Vincey, une joute érotique d’une beauté époustouflante

La dernière création de Jacques Vincey en tant que directeur du CDN de Tours est d’une beauté époustouflante. La pièce de Heiner Müller autopsie les liens sulfureux qui unissent le désir à la mort dans un jeu de masques flamboyant. Deux interprètes éblouissants,  Hélène Alexandridis  et Stanislas Nordey, portent les fulgurances de cette joute érotique à la vie à la mort. Sublime !

Quartett n’est pas une simple réécriture des Liaisons dangereuses. Comme Heiner Müller le dit lui-même, « les jouets de Laclos sont cassés ». Le couple de libertins mythique formé par La Marquise de Merteuil et le Vicomte de Valmont, monstres de lucidité, gagne en sauvagerie. Leurs joutes verbales, débarrassées des clichés et des refoulements comme de toute préciosité au profit d’une langue crue où l’obscène le dispute au spirituel, exhibent férocement ce qui devrait être tu. Les protagonistes se poussent l’un l’autre dans leurs derniers retranchements jusqu’à ce que mort s’ensuive. « Ils jouent et jouent à jouer. Ils incarnent les marionnettes qu’ils ont eux-mêmes construites. Ils les manipulent et se prennent à leur propre jeu » note Jacques Vincey, dont la formidable intelligence du texte éclaire magistralement ce carrousel de quatre personnages pour deux interprètes. Un véritable labyrinthe d’intrigues érotiques vient redoubler le jeu de miroir passionnel égotique.

Un splendide souci esthétique

À cette grande maîtrise de l’intrigue dans toute sa fébrile complexité, il faut ajouter celle du rythme hypnotique imprimé à la pièce par le metteur en scène dont témoignent, en particulier, la cadence mesurée du déplacement des acteurs comme le caractère étudié du moindre de leur mouvement. Merteuil et Valmont prennent la pose. Et chaque scène fait tableau. Tout est pensé pour favoriser l’entente de cette joute verbale, aux accents métaphysiques, mêlant la perversion à la persuasion, entre ces deux êtres qui rejoue la guerre des sexes et dont l’érotisme est le terrain subversif de prédilection. Les incarnations d’Hélène Alexandridis (Merteuil) et de Stanislas Nordey (Valmont) sont sensationnelles. Leur interprétation incandescente, fidèle à la lettre du texte, d’une précision extrême, libère la moindre nuance émotionnelle. Splendidement costumés et perruqués façon grand siècle (Cécile Kretschmar), accompagnés au plateau par le compositeur et guitariste Alexandre Meyer, les acteurs évoluent dans un espace scénique sublimé par Mathieu Lorry-Dupuy, manifestement inspiré par les mots de l’auteur : « un salon d’avant la Révolution Française, Un bunker d’après la troisième guerre mondiale ». La grande beauté plastique du spectacle s’enrichit également de la présence de Dominique Bruguière à la création lumières. »

Marie-Emmanuelle Dulous de Méritens – JOURNAL LA TERRASSE

 

« Rarement une scène de théâtre nous a parue si bien éclairée. Une lumière mystérieuse, enveloppante comme un tendre brouillard matinal. Les quelques volutes de fumée qui envahissent l’air au moment des applaudissements renforcent encore l’ambiance. On sort d’un rêve intense et fantasmagorique. 1h15 immergé dans Quartett, la dernière création de Jacques Vincey présentée jusqu’au 7 octobre au T°.

Interprétée avec force par Hélène Alexandridis et Stanislas Nordey, cette pièce traduite de l’allemand, signée à l’origine Heiner Müller, nous donne à voir le délire morbide d’un couple d’amants si passionné par la joute verbale qu’il jouit à reproduire les échanges que le Marquis de Valmont eut avec deux de ses conquêtes, jusqu’à ce que la mort scelle la fin de l’histoire.

Comme souvent au théâtre, on aimerait pouvoir suivre le texte sur papier en même temps tant certaines répliques sont puissantes. « Pourquoi vous haïrais-je ? Je ne vous ai jamais aimée », « Chaque mot est une blessure » ou encore « Votre haleine sent la solitude ». Ce ping-pong verbal est facétieux, grinçant, érotique, grisant. Il donne à découvrir des personnages à la fois pleins de désir mais aussi de rancœur, envieux de pouvoir, avides d’indépendance.

Dans Quartett se déploie l’archétype de la femme forte qui sait ce qu’elle veut dans l’intimité de sa chambre à coucher autant que le portrait type de l’amant qui pense tout contrôler mais qui, au fond, n’est qu’un pion interchangeable. L’acteur et l’actrice bouleversant leur rôle au fil de la pièce, on s’y perd parfois un peu mais il reste le texte. Ces longs monologues bestiaux où l’on cause fidélité autant que douceur de la peau.

Par petites touches, la musique la musique d’Alexandre Meyer vient ajouter un peu de douceur et de dramaturgie pour nous guider dans nos émotions. Et à la fin, on sort de la salle dans le même état que le décor sur la scène : tout froissé. »
Olivier Collet – 37°

 

« Dans un salon d’avant la Révolution française ou un bunker d’après la troisième guerre mondiale – soit les didascalies d’Heiner Müller que respecte la scénographie emblématique de Mathieu Lorry-Dupuy, entre voiles blancs de tulle suspendus et lais de plastique recouvrant la scène qui dévoile à la fin des amas de terre meuble de tranchée et des fumées claires d’incendie, souvenirs de guerre -, les deux héros éloquents Valmont et Merteuil de Quartett (1980) échangent avec ostentation.

Les personnages portent des costumes blanc cassé fastueux dont les perruques de la noblesse de cour et leur impressionnant volume Chantilly – Anaïs Romand, pour les premiers et Cécile Kretschmar, pour les secondes. C’est que la Marquise de Merteuil et le Vicomte de Valmont « jouent à rejouer » – inépuisable théâtre dans le théâtre – leur passion amoureuse passée et les intrigues érotiques diverses jusqu’au sacrifice de Cécile Volanges et de la Présidente de Tourvel.

Qu’on se le dise : le spectateur doit suivre les métamorphoses des rôles endossés d’un protagoniste à l’autre : la Merteuil joue Valmont qui joue la Tourvel, avant de devenir la jeune Volanges succombant à Valmont. Celui-ci déclame encore les dernières paroles de la bigote mûre et mariée, empoisonnée par la Merteuil jouant Valmont. Puis, celui-ci meurt alors, et celle-ci reste seule : le carrousel d’un quatuor pour deux interprètes d’un jeu de massacre d’amours défuntes.

Le metteur en scène Jacques Vincey voit en Quartett de Heiner Müller (1929-1995) un précipité chimique des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos (1741-1803). Valmont et Merteuil se livrent combat, sous les artifices du mensonge et de l’illusion, de la tyrannie du pouvoir et du désir : « Avoir une conscience, et pas de pouvoir sur la matière. »

Müller « casse les jouets » de Laclos, précise le concepteur, ressuscitant ce couple mythique dans la répétition toujours recommencée d’une histoire intime, dénuée d’espoir jusqu’à ce que la mort qu’on donne advienne. La préciosité verbale oratoire privilégie une langue lapidaire et crue, entre bienséance et brutalité – l’écartèlement de courants opposés et fondus dans l’indolence du monde.

« Mes meilleurs feintes feront de moi un bouffon, tout comme le théâtre vide fait du comédien un bouffon. Il faudra que je m’applaudisse moi-même. Le tigre en cabotin. »

Ils sont deux dragons barbares qui prennent plaisir à se masquer, entre clairvoyance et lucidité car leurs joutes et répliques cinglantes exhibent l’inavouable inhumanité de la soumission et de la faiblesse qu’inflige le joug corporel : « Qu’est-ce que l’âme ? Un muscle, une muqueuse ?… »

Sarcasme, ironie noire, humour et plaisir du jeu font naître des instants de grâce scéniques : le duo incarne des marionnettes inventées qu’il manipule, pris au jeu espiègle d’une partie d’échecs.

Hélène Alexandridis dégage – force et paix – la certitude des convictions féminines ; sa partition jongle avec celle de son ténébreux adversaire au feu intérieur, Stanislas Nordey. : un duo ardent. »

Véronique Hotte – WEBTHÉÂTRE

 

« En montant Quartett d’Heiner Müller au théâtre Olympia, du 26 septembre au 7 octobre 2023, Jacques Vincey s’attaque à un « monument » du théâtre contemporain. La courte pièce du dramaturge et poète allemand, aujourd’hui pièce culte, est un bijou à la « beauté crasse ».

Dans ce condensé des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, le vicomte de Valmont et la marquise de Merteuil se retrouvent, vieillissants, toujours brûlant de désir et de cruauté, dans une ultime confrontation.

Un redoutable cadeau de départ

Pour incarner ses deux monstres sacrés, Hélène Alexandridis et Stanilas Nordey. Dans les rôles des célèbres amants, les deux comédiens excellent. C’est d’abord la voix d’Hélène Alexandridis, magistrale, qui saisit le public au tout début de la pièce. Plongée dans le noir, la salle se délecte des mots de la Marquise de Merteuil. La puissance de sa froideur calculatrice perce l’opercule glacé qui sert de rideau de scène.

Une fois le rideau tombé, la blancheur crue du plateau est partout. Les deux interprètes qui jouent à se faire mal, à se tenter, à devenir l’un et l’autre, se meuvent dans une sorte de terrain inégal et inconfortable.

Les joutes entre les deux interprètes, magnifiquement perruqués et costumés, sont destructrices, féroces et terriblement drôles. La lutte à mort à laquelle se livrent alors les deux amants est implacable.

Jacques Vincey, qui quitte ses fonctions de directeur du Théâtre Olympia fin 2023, signe là sa dernière création à Tours. Il offre avec son Quartett, un redoutable cadeau de départ aux spectateurs tourangeaux. »
Delphine Coutier – LA NOUVELLE RÉPUBLIQUE

Distribution

Mise en scène : Jacques Vincey.
Avec Hélène Alexandridis, Merteuil ; Stanislas Nordey, Valmont et le musicien Alexandre Meyer

Texte : Heiner Müller. Traduction française de Jean Jourdheuil et Béatrice Perregaux
Collaboration artistique : Blanche Adilon-Lonar- doni
Conseil dramaturgique :
Irène Bonnaud
Scénographie :
Mathieu Lorry-Dupuy
Lumière :
Dominique Bruguière assistée de Nicolas Faucheux
Musique : Alexandre Meyer
Costumes : Anaïs Romand
Perruques et Maquillage : Cécile Kretschmar
Production : Centre Dramatique National de Tours – Théâtre Olympia
Quartett est publié aux Editions de Minuit.

Production

Production : Centre Dramatique National de Tours – Théâtre Olympia
Quartett est publié aux Editions de Minuit.

Complet

Dates et horaires

Durée

  • Durée 1h15
  • À partir de 16 ans

Tarif

En images