Cie Des animaux en Paradis

Une loge, celle des meetings, celle où l’homme blessé lèche ses plaies, celle, surtout, où l’acteur arrange son déguisement : le « Patron » a revêtu tous les masques possibles.

Avec décalage, Léo Cohen-Paperman retrace, dans ce spectacle remarqué au Festival off d’Avignon, la course saisissante de l’homme politique avec des répliques redoutablement aiguisées. Le formidable comédien Julien Campani déploie la silhouette encombrée du « bulldozer » sans verser dans la grimace, du théâtre de tréteaux à la satire politique, en passant par le récit social. Son charme opère sur un fil, entre raideur et prestance. On rit beaucoup, mais pas seulement ; derrière la séduction badine du fauve politique perce la mélancolie. Car il s’agit aussi de parler de ceux qui ont traversé l’époque, des gens d’origine modeste qui ont subi des changements économiques.
Les Chirac se succèdent et ne se ressemblent pas dans cette véritable performance d’acteur ; « techno » maladroit des années 70, qui cherche encore son ton ; bête de scène des années 80 ; vieux roi sans couronne du dernier quinquennat. Chirac ne s’arrête jamais. Un régal !

Presse

 » Une pièce sur Chirac ! On pouvait s’attendre au pire. Craindre une succession de tableaux avec anecdotes et resucées de discours, sur fond de nostalgie molle – celle qu’on éprouve pour un temps révolu où les enjeux semblaient moins vitaux. C’est tout autre chose que proposent Léo-Cohen Paperman et Julien Campani avec leur pièce Vie et Mort de J. Chirac, Roi des Français : un portrait sombre et subtil de l’ancien président, qui scrute l’homme derrière l’icône. Cette création s’inscrit dans un cycle dévolu aux huit présidents de la Ve République.
À l’évidence, les deux auteurs ont lu tout ce qui a été écrit sur Jacques Chirac, mais ils ont su l’oublier et faire du théâtre. Oubliez la marionnette des Guignols : par la grâce de l’incarnation, l’étonnant Julien Campani déploie la silhouette encombrée du « bulldozer » sans verser dans la grimace, qu’il laisse aux chansonniers d’hier et d’aujourd’hui. Son charme opère sur un fil, entre raideur et prestance. On rit beaucoup, mais pas seulement : derrière la séduction badine du fauve politique percent la mélancolie et le mépris de soi.
Chirac se coke
La voix de Chirac emplit le théâtre. Ses mots sont un babillage creux de marchand de rêve ; langue de bois de vieux roublard, mais aussi défense contre l’angoisse du vide. Après quoi court Chirac ? C’est l’énigme que pose cette pièce. Pour tout décor, une loge : celle d’avant les meetings. Celle, aussi, où l’homme blessé lèche ses plaies.
Celle, surtout, où l’acteur arrange son masque. Les Chirac se succèdent et ne se ressemblent pas : « techno » maladroit et péremptoire des années 70, qui cherche encore son ton – comme un acteur histrionique s’essaierait à plus de justesse – ; bête de scène des années 80, qui se coke sur fond de musique pop ; vieux roi sans couronne du dernier quinquennat. Chirac ne s’arrête jamais, il ne sait pas quoi faire de son énergie alors il la jette dans la bataille. Est-il libéral, gaulliste, tiers-mondiste ? Il ne le sait pas lui-même et le demande aux autres : son mentor Pierre Juillet, mais aussi son chauffeur, tous deux joués par l’excellent Clovis Fouin.
Chirac en berline
Grimé en pierrot lunaire, le dernier Chirac est le plus touchant : son maquillage coule comme le rimmel d’une ex-reine de beauté dans un film de Billy Wider. Il répète ses rôles qui l’ont porté aux nues, hagard, sous les sifflets. La scène finale, un trajet en berline vers une destination inconnue, avec son chauffeur en guise de Charon, est superbe. Pourquoi tant de tendresse pour Chirac, de la part d’un metteur en scène et de ses acteurs ? Peut-être parce qu’il était, d’une certaine façon, un des leurs.
Abel Quentin – MARIANNE

Distribution

Texte : Julien Campani et Léo Cohen-Paperman.

Mise en scène : Léo Cohen- Paperman.

Avec Julien Campani et Clovis Fouin

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Dates et horaires

Durée

  • Durée 1h20

Tarif